Après l’ère des « short news » et du « snacking content » les marques semblent vouloir partager leur identité à travers des contenus plus détaillés, plus profonds, et surtout sur un support qu’elles contrôlent, à l’image de la maison Bottega Veneta et de sa stratégie marketing novatrice et disruptive. Entre risque d’homogénéité et volonté de revendiquer des valeurs propres, réflexion sur le brand content 2.0.

Les limites d’un modèle

Doit-on encore le rappeler ? Depuis plusieurs années, les griffes ont fait du digital leur fer de lance. Le partage de valeurs, d’histoires, la démocratisation, et autres interactions digitales ont remplacé un marketing plus traditionnel. Renforcées par la crise sanitaire, l’exploration et l’exploitation de nouveaux territoires numériques pour engager le dialogue et maintenir un lien, sont devenues essentielles.
Nourrir une communauté, voilà le défi. Pour cela naissent des expériences toujours plus immersives, entre réalité virtuelle, utilisation d’Instagram et vidéos TikTok, jusqu’à aller, comme Gucci, à créer et vendre des accessoires et des produits purement digitaux pour habiller des avatars. L’illustration d’une industrie qui cherche encore et toujours à séduire les millenials et la génération Z.

Cependant, ce modèle semble parfois s’essouffler et cette course (effrénée) amène un inévitable mimétisme entre les marques, quitte même parfois à perdre de vue son principal enjeu : séduire.
Autre paramètre à prendre en compte, c’est le content shock… comprenez, la saturation de contenu. Les utilisateurs sont face à un flot massif et constant d’informations, toujours plus sollicités et engagés : difficile pour les marques de capter leur attention. Perdant ainsi l’impact de leur communication, le luxe peaufine alors sa stratégie pour devenir plus pertinente.  Et cette transition est déjà en marche.

Retour aux sources  

Il n’est pas question d’une « hibernation » créative, mais bien d’un brand content plus progressif et plus réfléchi. 

En effet, comme le souligne Thibaut de La Rivière, Directeur de Sup de Luxe : « Il s’agit pour les marques d’explorer un rythme différent, loin des standards imposés. Le concept : conserver ses valeurs identitaires, une certaine exclusivité, et cultiver l’idée d’un luxe discret »
On parlera alors de slow content, répondant à la demande d’un public plus alerte et plus averti. Illustration parfaite de cette transition qui ne sonne pas comme une révolution, mais plutôt comme une évolution nécessaire, avec la griffe Milanaise Bottega Veneta.

En effet, en janvier dernier, la marque italienne a pris tout le monde de cours en disparaissant des réseaux sociaux. Etrange stratégie à l’heure de la toute-puissance de ceux-ci… Les rumeurs supposaient un retour en force avec une grande annonce à la clef, quand d’autres évoquaient un pur buzz marketing.

Et si la raison était ailleurs ? Dans une récente interview accordée à The Guardian, Daniel Lee, le directeur artistique, accusait les réseaux sociaux d’une « homogénéisation de la culture » et évoquait le besoin d’un retour à un contenu plus ciblé et confidentiel. C’est chose faite avec le lancement du premier magazine trimestriel entièrement digital, sobrement nommé "Issue 01". Un numéro dont il espère que le lectorat « s’installera pour le regarder, comme il le ferait devant un film ». Fini donc les flux incessants, les stories en rafale et les likes sur Instagram et place à un magazine audiovisuel immersif et iconique.

 

Quel avenir pour le storytelling ? 2

 

Si Dior et Hermès éditent leur propre magazine papier depuis plusieurs années, Bottega Veneta se positionne en avant-gardiste avec ce journal virtuel de 133 pages qui oscille entre courts-métrages, photographies, croquis et auto-promotions un brin ironique. Offrant ainsi aux fans de la marque une expérience unique, déclinable à l’infini, cette initiative est aussi une façon de garder un certain contrôle en fournissant aux ambassadeurs et afficionados la matière dont ils ont besoin pour parler de la marque.  

Toutefois, Bottega Veneta conserve toujours ses profils sur les réseaux sociaux d’Asie notamment sur WeChat, indispensables pour le canal digital. Selon les études du cabinet de conseil en stratégie Bain & Company, les achats de produits de luxe par les Chinois représentent aujourd’hui entre 37% et 40% de la consommation mondiale et devrait atteindre 50% en 2025.

Média culturel : Un positionnement stratégique

Si le lien entre culture et luxe semble évident, il est plus que jamais au cœur des projets. L’industrie du luxe veut définitivement se positionner en véritable acteur culturel et imposer sa vision.
Tel un media, elle présente, soutient et informe sur des projets qui lui sont chers. A travers cette revendication c’est toute la valeur symbolique des maisons qui est représentée.

Bottega Veneta certes, mais aussi Roger Dubuis et sa collaboration pionnière avec deux artistes de renom : le tatoueur Dr.Woo et l’artiste graffeur Gully, tous deux maitres dans leur art. Ou encore Panerai qui a collaboré avec les designers Tim Simpson et Sarah Van Gameren du London studio Glithero sur l’œuvre appelée « The Green Room », une spectaculaire installation symbolisant le concept du temps.
Saint Laurent cultive également son image à travers différents projets culturels, comme la musique et des performances d’artistes issus de la scène émergente.

Des mutations qui prouvent encore une fois que l’industrie doit sans cesse faire preuve d’adaptation et se préparer à l’inattendu. Une réactivité nécessaire afin de toujours faire rimer patrimoine et héritage avec innovation et séduction.
Affaire à suivre…