Habitué à conquérir le monde à travers des campagnes globales et des clients internationaux, pandémie oblige, le luxe doit aujourd’hui réfléchir à une stratégie plus locale. De l'Europe à l'Asie, entre remise en question et recentrage nécessaire, comment et pourquoi le luxe mise-t-il sur la notion de proximité géographique pour séduire sa clientèle ?

 

L’évolution d’un modèle 

Si les crises ont bien un avantage, c’est celui de mettre en exergue les failles de certains modèles. Et le luxe n'échappe pas à la règle. Comme analysé dans le précédent article de septembre intitulé : « Luxe et pop culture : Un mix and match gagnant », celui-ci est parfois accusé d’être hors sol, comme déconnecté d’une certaine réalité. Entre une communication globalisée et un focus sur les clients étrangers (notamment la Chine et le Moyen Orient), difficile pour les clients traditionnels de s’y retrouver. Cependant, la réduction des voyages internationaux et même parfois l'impossibilité de voyager menacent cette stratégie expansionniste.
En effet, bien que le luxe ne semble pas avoir subi de plein fouet ces restrictions et affiche de bons résultats, les marques au succès le plus criant sont celles qui ont un ancrage local, et qui n’ont pas “oublié” leurs clients français et européens, d’autant que ces achats locaux devraient encore perdurer au moins un an. Un recentrage nécessaire pour le luxe, autant d’un point de vue commercial qu’en terme d’image de marque. En effet, il doit s'inscrire dans une vision d’avenir et l’industrie doit aujourd'hui se focaliser sur une valeur essentielle pour continuer de rayonner dans le monde: la légitimité. Celle-ci passe par une certaine crédibilité liée à un savoir-faire territorial et à une géographie stratégique. 

 

Luxe mondial : Une consommation locale et un désir de proximité 2

 

La Chine revoit ses actes d’achat

Acteur majeur du secteur du luxe à travers le monde et notamment en Europe, la Chine a récemment vu ses droits de douanes baisser, les prix s’harmoniser et le regard des clients se fait plus prudent et plus soucieux de la provenance, de la qualité, de l'éthique et la traçabilité générale des produits. Une situation qui invite les entreprises à mieux cibler leur stratégie sur ce marché si elles souhaitent continuer à y jouer un rôle. Autre modification de l’acte d’achat, la montée en puissance des Millennials et de la génération Z  qui représente la plus grande partie des consommateurs locaux. Preuve en est aujourd’hui, près des trois-quarts des achats de luxe ont lieu en Chine et les ventes sur le marché local ont augmenté de près de 50%. Bien que l’économie chinoise reste un moteur de la croissance de la consommation mondiale, la part du marché chinois représente aujourd’hui 20 % de celle-ci. Cette hausse devrait se poursuivre et conduire l’Empire du Milieu à détenir la plus grosse part de ce marché en 2025. Encouragés par le gouvernement qui mène une politique favorisant la consommation domestique et ainsi un certain rapatriement des achats, les Chinois, premiers consommateurs de luxe à l’étranger, ont donc tendance à rester chez eux et à consommer local. Illustration avec l’île d’Hainan et le shopping Duty-Free qui y connaît un succès considérable : les achats ont augmenté de près de 98%.

Et cette augmentation semble avoir de beaux jours devant elle, portée par la multiplication des zones “tax-free” sur ce modèle. Enfin, comme en témoigne Thibaut de la Rivière, directeur de Sup de Luxe : “Même si les voyages internationaux vont reprendre, les marques locales qui se sont durablement installées dans le paysages et dans les habitudes des chinois vont continuer à jouer un rôle important dans le marché du luxe.”